Alors que le jeu vidéo devait signer le déclin de l’Humanité et qu’il aurait du rendre notre société plus violente, une récente étude réalisée sur plus de 3000 joueurs serait arrivé à la conclusion que jouer rendrait plus heureux. Un résultat qui pourrait bien tordre le cou aux idées reçues.
Un média méconnu ?
D’aussi loin que l’on se souvienne, le jeu vidéo a toujours été un média plus ou moins méprisé. Au départ destiné aux enfants, ce divertissement a connu de nombreux changements au cours de ces dernières décennies pour devenir plus mature et offre désormais des expériences narratives et artistiques qui n’ont rien à envier au cinéma ou à la littérature. Pourtant il souffre encore d’une image assez négative. Alors que de plus en plus de personnes jouent, il était intéressant de se pencher sur la question et l’étude menée par Niklas Johannes, Matti Vuorre et Andrew Przybylski montre bien que les effets qu’il pourrait avoir sont plutôt positifs contrairement à une croyance populaire.
Si au départ le but était de chercher les aspects toxiques du média, les personnes qui ont joué à « Animal Crossing : New Horizons » et « Plants vs Zombie : Battle for Neighborville » plus de 4h par jour, pour cette étude, ont finalement révélées que le côté interactif du jeu vidéo aurait plutôt tendance à rendre les gens heureux. A un moment où l’on évoque l’addiction et que l’OMS accuse même ce divertissement d’être problématique, la réalité est très clairement très différente. Malgré le fait que l’on sait depuis de longues années qu’une œuvre artistique n’a pratiquement aucun impact sur les comportements, selon moi, cette étude a tendance à révéler d’autres problèmes sociétaux plus sérieux.
Jeux vidéo et pornographie : même combat ?
J’ai toujours été joueur et j’ai passé de très longues heures sur ce média. Pourtant il n’a jamais été toxique, bien au contraire. Culturellement il m’a beaucoup apporté et c’est encore le cas aujourd’hui. Curieusement la pornographie subit la même forme de traitement. Souvent stigmatisée et accusée d’être responsables de les maux, la seule étude un minimum sérieuse sur le sujet a, elle aussi, rapporté qu’il n’y avait aucun lien entre les comportements et la consommation de contenus sexuels. Concrètement regarder du porn ne fera pas de vous un pervers et jouer à des jeux vidéo ne vous rendra pas violent. Pourtant on aime taper sur ces deux médias en particulier. La véritable question serait de comprendre pourquoi.
Si pour la pornographie, il est évident qu’il y a encore beaucoup de tabous autour de la sexualité dans notre société, pour ce qui est du jeu vidéo, c’est plutôt incompréhensible. En creusant un peu plus, c’est probablement la « peur des écrans » qui en est la cause. Le monde évolue, les jeunes générations sont plus connectées que les précédentes et en quoi serait-ce un mal ? Être toujours en contact avec ses proches semble pourtant être une bonne chose alors que l’on accuse le smartphone d’être responsable d’une certaine forme de désocialisation, dans les faits, c’est plutôt l’inverse. Finalement, c’est une peur plus générale des technologies qui semble être à l’origine des inquiétudes. Il est bon de rappeler qu’à l’époque où l’électricité est apparue, de nombreuses voix se sont élevées contre et affirmaient qu’elle allait signer le déclin de la société. L’histoire nous a pourtant appris qu’elle a été très bénéfique pour tous.
La France a peur
D’une certaine manière, la presse moderne est aussi responsable. Parce qu’un article titré « Le jeu vidéo est dangereux » fera plus de clics que « Le jeu vidéo rend heureux », bon nombre de médias d’info-divertissements savent comment créer des polémiques et inciter les gens à partager leurs publications sur les réseaux sociaux. De manière générale, le négatif ou les posts polémiques génèrent plus de trafic. Le modèle des Konbini ou Brut reposent essentiellement sur ce genre de choses. Les sujets traités sont pensés essentiellement sur leur capacité à générer du partage et du clic. En résulte une vision déformée sur plein de thématiques.
Le jeu vidéo est donc une victime collatérale du clickbait selon moi. Comme bon nombre d’autres sujets. Rajoutons à cela que rares sont ceux qui liront entièrement les publications et feront un minimum de recherches (qui à cliqué sur les deux liens vers les deux études dans cet article ?) et il devient alors facile de comprendre de travers une information. Et si cette image écornée du gaming provenait d’un manque de connaissance sur la question, amplifiée par notre manière de consommer la presse ? C’est en tout cas ce que je pense personnellement. Et c’est assez vrai pour plein d’autres sujets « polémiques ».

Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt
Parce que tout le fond du sujet réside surtout dans de véritables problèmes sociétaux. Selon moi, on ne devient pas addict aux jeux vidéo mais on peut s’enfermer dans ce média. C’est une nuance importante. Il est plus simple d’accuser le jeu vidéo ou la pornographie que de s’interroger sur notre société qui entraine beaucoup de mal-être. Un récent sondage a même montré que 40 % des jeunes souffraient de troubles anxieux. Amplifié par le contexte sanitaire c’est assez révélateur d’un modèle de société qui est très certainement à l’origine de tous les maux que l’on incombe à de simples divertissements.
Il est probablement plus rassurant de se dire qu’en coupant les écrans on ira mieux mais, dans la pratique, le vrai sujet n’est pas là. Le jeu vidéo fait désormais partie du paysage culturel et il est évident que cela ne plait pas à une élite vieillissante qui préfère penser qu’un bon livre sera toujours mieux. Pourtant on peut tout autant s’enfermer dans la lecture pour fuir une réalité désagréable. Là encore, les livres faisaient polémique à leur époque, on avait peur que les gens passent leur temps à lire et ne se parlent plus entre eux. L’histoire se répète, le changement fait toujours autant flipper. Il est aussi bon de rappeler que cette « élite » est toujours aux commandes de la plupart des institutions. Même si certaines personnes de la classe politique commencent à prendre au sérieux ce média, on risque d’entendre ces vieux poncifs encore pendant quelques générations. Le fait qu’une société comme Ubisoft génère des milliards de chiffre d’affaire aide probablement ces politiques à revoir leur copie.
Les divertissements ne sont pas un problème
Très clairement, taper sur un média ou un divertissement sera toujours plus simple que de repenser une société toute entière. Société qui génère tant de mal-être que c’est tout le modèle économique qui devrait probablement être repensé. Quand un jeune démarre dans la vie, que son avenir est incertain et que la seule chose qu’on lui propose c’est un prêt à 0 %, on se dit qu’il y a un profond problème. A quel moment se lancer dans la vie active avec une dette serait positif ? Un décalage entre les politiques et le monde réel des personnes qui se lèvent tous les jours pour aller bosser dans des entreprises qui les paient avec des restes. Le sujet n’est pas nouveau, nos parents ont galéré, nous avons galéré et les générations à venir galèreront aussi. Le jeu vidéo dans tout ça ? Clairement, ça n’a jamais été le sujet.
Si les pouvoirs publics s’intéressaient un peu plus à ces problèmes de fond qu’aux rares petits plaisirs qui arrivent encore à nous rendre un peu heureux, on ferait un énorme pas en avant. « Fortnite, c’est terrible » selon Brigitte Macron pourtant c’est une forme de réseau social où les plus jeunes se retrouvent entre amis, le plus souvent, pour discuter. Encore une fois, il est plus simple de taper sur quelque chose que l’on ne comprend pas plutôt que de chercher à comprendre comment cela fonctionne, ce que cela implique et à quel point c’est devenu important culturellement et socialement. Parce que le jeu vidéo, c’est aussi une communauté de passionnés qui partagent beaucoup de choses en commun. C’est peut être ce rassemblement et cette unité qui inquiète plus nos politiques ? Allez savoir.