Stadia dézingué par Google ?

Même si on n’a jamais réellement cru au projet Stadia et que de nombreux spécialistes s’interrogeaient sur son modèle économique, aujourd’hui, Google semble vouloir se débarrasser de ce service devenu gênant et peu rentable. Chronique d’un échec prévisible.

Google Stadia

Think big but start small

Depuis longtemps, la philosophie de Google était d’être le numéro un en terme d’innovations. On ne compte plus le nombre de projets qui ont été lancés par cette entreprise et qui n’ont pas forcément connu le succès. Le site The Google Cemetery les ressence tous et montre à quel point l’échec fait partie de leur quotidien. Une manière de travailler qui, selon moi, a diminué la confiance envers big G. Une confiance déjà ébranlée par la collecte de données qui s’effectue de manière industrielle sur l’ensemble de leurs services. Pourtant, Google sait que parfois on peut partir de rien et devenir leader d’un marché. De nos jours, lorsqu’ils lancent une nouvelle app ou un nouveau service, la première réflexion qui nous vient à l’esprit c’est : pour combien de temps ?

Stadia n’échappe pas à la règle et malgré ses qualités, il n’aura pas rencontré son public. En abandonnant les exclusivités, le signal envoyé est assez fort, ce ne sera plus une alternative aux consoles. On se demande également si ce marketing qui voulait ringardiser les machines physiques n’était pas un peu hors sujet. Si le streaming peut être intéressant dans certaines utilisations, on se demande toujours si c’est réellement un modèle qui deviendra un standard, un jour. Quand on voit la ferveur autour des nouvelles consoles et des cartes graphiques, on se dit que les gamers ne sont pas encore prêts à franchir le cap.

Pas le temps !

En plus de 20 ans, l’entreprise Google a bien changé. Ce qui au départ était un petit projet de deux illuminés qui avaient bricolé un serveur avec des LEGO est devenu une multinationale cotée en bourse. C’est probablement tout le fond du problème et malgré les milliards de dollars, cette société semble maintenant incapable de se montrer patiente et de faire perdurer ses services. Avec son modèle économique très agressif, Stadia se devait d’être pensé sur le très long terme or ça n’est plus possible pour Google désormais. Les choses doivent être rentables rapidement pour satisfaire des investisseurs gourmands qui réclameront leur chèque quoi qu’il arrive. Parce que les success stories ne font pas du jour au lendemain, Stadia aurait pu être viable dans une dizaine d’année, le temps d’installer une certaine confiance mais aussi le temps que les usages se développent.

Très clairement, il est peut probable que Google continue encore très longtemps à proposer ce service tant il n’aura pas su convaincre les early adopters. Ajoutons à cela des contraintes techniques et des connexions onéreuses dans de nombreux pays pour pouvoir avoir accès à Stadia. Bien que la technologie de streaming soit très au point et malgré une image relativement compressée, le cloud gaming, ça fonctionne mais est-ce que l’on est réellement prêt pour ça ? Je reste persuadé que le grand public ne voudra pas franchir ce cap. En tout cas avec ce modèle économique qui voudrait que l’on achète les jeux à l’unité. Il ne faut pas oublier, qu’en face, le Xbox Game Pass a ouvert une boite de Pandore. Accéder à une logithèque contre un abonnement pourrait rapidement devenir la norme sur le marché du dématérialisé. Ce genre de service doit calquer son modèle sur celui de Netflix, c’est un fait.

La location plus que l’achat

Nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que ce modèle économique n’est pas adapté à l’usage du streaming. Dès le lancement du service, c’est la première critique qui est apparue. Non, on ne paiera pas 80€ pour un jeu que l’on ne possède pas. Surtout quand on sait que Google a la fâcheuse tendance à fermer ses services au bout de quelques années. Bien que ce soit plus ou moins le modèle de Steam, le fait de pouvoir sauvegarder ses fichiers en local et de pouvoir jouer hors ligne (même si le service venait à fermer), c’est la garantie d’avoir toujours accès à ses achats. Avec le streaming, on perd totalement le contrôle. C’est là que la location de jeux aurait plus de sens, je crois. Un contrat temporaire entre l’entreprise et l’utilisateur aurait été plus pertinent ici.

Une plateforme comme GOG l’a bien compris et vous pouvez tout à fait installer votre jeu sur un disque dur externe et le brancher sur n’importe quelle machine sans que cela pose réellement de problème. Les DRM ont toujours été un soucis et même sur Steam cela peut être chaotique parfois. Avec le streaming, on peut effectivement s’affranchir de tout cela mais on se retrouve aussi dépossédé de ses achats. Une chose qui ne fonctionne pas forcément de nos jours. Bien que le téléchargement peut être contraignant pour certains, encore aujourd’hui, c’est la solution qui permet d’avoir plus ou moins la main sur ses fichiers.

Attachement au format physique ?

Sur PC, le dématérialisé est rapidement devenu la norme. Initié par Steam, ce modèle a d’abord fait grincé des dents et puis est devenu un mode de consommation apprécié. Il faut dire que Valve a réellement pris le temps de bichonner son service et, au fil du temps, créé une confiance avec ses utilisateurs. Une chose que Google ne pourra jamais faire tant les pressions des investisseurs pèsent sur tout ce qu’ils peuvent entreprendre. C’est aussi le cas de Microsoft qui ne pourra pas se permettre de se lancer dans de tels projets sans un modèle viable. X Cloud est vendu comme un service complémentaire et c’est, selon moi, la meilleure approche à avoir. Si dans les années à venir le streaming devient la norme, Microsoft sera déjà installé sur le marché sans pour autant avoir forcé la main aux utilisateurs et ça change tout.

Aujourd’hui, le marché du physique, c’est la moitié des achats. Pour le grand public, c’est aussi une manière de pouvoir revendre ses jeux. Mine de rien, c’est l’un des arguments des consoles. Sur PC, cela n’est plus possible et c’est problématique. Si on aimerait pouvoir revendre ses achats dématérialisés et que les associations de consommateurs travaillent dans ce sens, tant que cela n’est pas possible, ça sera toujours un frein pour beaucoup de personnes qui ne souhaitent pas forcément investir autant dans le gaming. Toutefois les tarifs sur PC ont tendance à être plus abordables, une chose plutôt logique tant on se passe de très nombreux intermédiaires. Avec le streaming, le consommateur perd tous ses avantages. Il est largement temps de légiférer sur ces achats « virtuels » et de redéfinir la possession de ses bien numériques.

Stadia est mort né

A l’annonce de Stadia, tout le monde était assez euphorique. On imaginait surtout un Netflix du gaming mais le choix à côté de la plaque de Google de proposer les titres à l’achat en aura refroidi plus d’un. Bien que ces services dématérialisés offrent de nombreux avantages, se posera aussi la question de la conservation. Si plus aucun fichier n’est accessible à personne, qui fera des sauvegardes du patrimoine ? Si le piratage permet aux films et à la musique d’être conservés, le jeu vidéo en streaming empêchera toute forme de sauvegarde. D’autant plus que les titres sont exclusivement développés pour ces plateformes qui fonctionnent grâce à des technologies fermées. Même si on pouvait mettre la main sur ces fichiers, on ne pourrait probablement pas les exécuter. C’est typiquement le cas de l’absence de rétrocompatibilité de la PlayStation 5. Sony supprimant petit à petit l’accès à certains jeux qui disparaitront avec le temps.

Pour moi, le streaming a son mot à dire. GeForce NOW ou X Cloud apportent des solutions intéressantes mais, très clairement, cette petite révolution se fera sans Google qui ne sera jamais capable d’offrir la confiance nécessaire sur ce genre de projet. Ajoutons à cela les contraintes financières de ce grand groupe et il est peu probable que Stadia perdure dans le temps. Pour moi, c’est du côté de Xbox qu’il faudra tourner le regard et voir comment les choses évolueront. Couplé au Game Pass, cette offre a beaucoup plus de sens et reste optionnelle. Parce que quoi qu’on en dise, le streaming restera une option pendant encore de très longues années. A moins d’un changement de modèle et la garantie que le service perdure, Stadia ne convaincra personne.

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