On en lit des bêtises sur Internet, c’est un fait et à l’annonce du nouvel opus de Saints Row, les premières critiques ont fusées autour de son approche « woke ». Même si on cherche encore comprendre ce que signifie de ce terme souvent utilisé par les mouvances d’extrême droite, on se demande aussi comment une simple esthétique peut avoir une signification politique.
En route vers le Wokistan
Une chose est certaine, la franchise Saints Row a toujours été irrévérencieuse. Un peu beauf même. C’est d’ailleurs tout ce qui fait le sel de cette série de jeux. Alors évidemment lorsqu’on lit des critiques qui parlent de « bien-pensance » ou de « wokisme », forcément ça interpelle. Déjà, on se demande réellement comment des valeurs de respect et/ou d’inclusivité peuvent être problématiques mais aussi parce que ça n’est absolument pas l’identité de ces titres. Après de longues heures de jeux et étant particulièrement concerné par toutes ces questions militantes, je n’ai pas réellement vu où ce reboot avait changé de direction. Il y a toujours eu de la diversité dans les Saints Row et ce, dès le premier opus. Même si les personnages sont souvent stéréotypés avec des traits particulièrement exagérés, on ne peut pas nier que l’ensemble des protagonistes ont toujours été très diversifiés.
En cela, ce reboot n’a pas apporté grand chose. On pourrait même lui en faire le reproche. C’est du Saints Row pur et dur et ce nouvel épisode ne révolutionne pas le genre sur aucun de ces aspects. Pour le coup, cela fait partie des nombreuses critiques qui lui ont été adressées. Difficile donc de voir ici un quelconque revirement dans sa manière d’aborder des thématiques qui, effectivement, sont peut être plus actuelles. Parce qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, se doit de parler de sujets sociétaux. Une chose que Saints Row a toujours fait, à sa manière. Depuis le début, nous sommes clairement sur une critique du monde capitaliste et de culture de la réussite sociale. Un traitement sans subtilité avec des messages très clairs. C’est aussi pour ça que l’on aime cette franchise. Sa capacité à être un cliché sur tous les points, c’est ce qui la rend très fun.
Ce nouvel épisode n’échappe pas à la règle. On est, à peu près, sur la même ligne éditoriale. L’histoire repart de zéro et, effectivement, imposer de nouveaux personnages est complexe d’autant plus que les précédents étaient particulièrement iconiques pour tous les fans.
Les idiots du village
Depuis toujours, Saints Row a eu cette capacité à nous présenter des personnages grotesques. Leur manière de penser ou d’agir se fait très souvent sans réflexion. Lorsqu’il y a un problème, on tire dans le tas. L’ensemble des protagonistes ont rarement un QI très élevé et c’est aussi ça qui rend les situations amusantes. Ce ne sont pas des modèles, même « le boss » est souvent montré·ée comme impulsif·ve. Là où ces jeux sont très forts, c’est qu’on arrive à s’identifier à son personnage. J’imagine qu’ils révèlent certains de nos instincts les plus primaires, suppriment tous les filtres que tout humain normalement constitué possède dans la vie en société. C’est probablement cela qui rend ces jeux amusants, il n’y a pas de limite et l’histoire s’autorise beaucoup de libertés.
Encore une fois, ce reboot ne change pas les règles du jeu. On nous présente des personnages qui n’ont pas forcément la lumière à tous les étages mais qui arriveront à se sortir de situations des plus rocambolesques. Finalement, c’est leur légèreté et leurs choix discutables qui font qu’ils arrivent à leurs fins. On est effectivement très loin des réflexions militantes qui ont émergées ces dernières années. Ces personnages sont littéralement le stéréotype de tout ce qui ne va pas dans notre société (et plus particulièrement la société américaine). S’ils sont iconisés à ce point, c’est justement pour mettre en avant tous ces travers.
Après de longues heures de jeux, on cherche toujours où les critiques ont pu voir un changement dans la manière d’aborder les sujets. On est sur du classique pour Saints Row. Trop classique même. Si le jeu reste amusant, en attendant un GTA 6, il fait ce que les autres épisodes faisaient déjà. Pour moi, c’est surtout ça qu’il faut critiquer. C’est un bon épisode, sans plus mais qui conserve clairement l’ADN de la franchise.
Une esthétique « woke » ? Hein ?
Il semble évident que les personnes qui ont critiqué le titre sur ces aspects militants, n’ont clairement pas joué à ce nouvel épisode et n’ont pas compris de quoi parlait les précédents. L’imagerie très moderne a tout de suite fait monter au créneau des personnes qui ont jugé le jeu sur son esthétique qui, effectivement, peut faire penser à des productions de chez Ubisoft comme Watch Dogs. Le délire des néons n’est pas franchement nouveau dans la franchise non plus. Aujourd’hui, c’est surtout une bonne excuse pour mettre du ray tracing pour faire plaisir aux amateurs de graphismes. Certains effets de lumières sont d’ailleurs plutôt réussis malgré une technique assez vieillotte.
Parce que ces ennemis sur lesquels on tire à tour de bras sont littéralement des anticapitalistes. Dans cet épisode de Saints Row, on passe son temps à dézinguer ce que les moins malins d’entre vous appelleraient des « wokes ». Des personnages très caricaturaux qui vivent dans des tentes mais qui sont habillés avec des fringues high tech. Bien évidemment si on a une grille de lecture très premier degré, ce Saint Row est un titre « anti-woke ». Toutefois malgré la légèreté de la franchise, le message est bien plus subtil que ça même si les ficelles sont assez grossières. Concrètement, on incarne des personnages débiles qui dézinguent d’autres personnages encore plus débiles. Ici, tout le monde en prend pour son grade. On est sur une critique d’un certain conservatisme face à militantisme stéréotypé.
Ce qui amuse, c’est que le titre lui-même est assez conservateur dans son gameplay et son histoire. Je me demande même si on ne serait pas en face d’une auto-critique ici. Des héros qui représentent une veille Amérique qui ne veut pas évoluer face à une population qui souhaite tout changer radicalement. Le tout soupoudré de nuances que je trouve bien senties.
La critique pour la critique
On l’a déjà abordé ici mais la communauté gaming a réellement besoin de s’éduquer. On avait déjà eu affaire à cette franche de la population incapable de s’ouvrir à des idées nouvelles. Pire encore, je crois que beaucoup passent à côté de l’essentiel des histoires que l’on essaye de nous raconter. Effectivement, aujourd’hui, on essaye de mettre plus de diversité dans les personnages que l’on nous présente. Il faut dire que le héro hétéro blanc, c’était pratiquement 100 % des personnages que l’on nous présentait jusqu’à aujourd’hui. Pour le coup, Saints Row a toujours été en avance sur ce point. La liberté offerte lors de la création de son personnage est une des qualités de la franchise. Si ça se trouve, les jeux de Volition étaient « woke » avant que ça ne soit cool.
Bien que les précédents jeux faisaient dans la caricature grasse, il y a toujours eu une vraie diversité dans les protagonistes. C’est sûrement ce qui fait que la franchise a une solide base de fans encore aujourd’hui. Et malgré ses nombreux défauts qui ont toujours été présents, Saints Row arrive a séduire un large public. Si ce reboot n’est pas franchement le meilleur épisode, ça n’en reste pas moins un très bon opus qui conserve tous les défauts des précédents et c’est là, la seule vraie critique que l’on doit lui adresser. Bien entendu, les problèmes techniques inhérents à ce genre de production et à des investisseurs un peu pressés n’ont pas aidé. Toutefois je reste assez confiant quant au suivi de cet épisode qui a fait la promesse de gros DLC dans les mois à venir.
On peut critiquer un titre pour son gameplay, sa technique mais il me semble complexe de lui en vouloir pour ce qu’il a à dire. On a le droit de ne pas être d’accord avec tout ce qu’il raconte mais il fait une proposition. J’aurais probablement des choses à dire sur le message qu’il essaye d’envoyer mais, selon moi, il ouvre les portes d’une certaine réflexion malgré sa légèreté apparente. C’est d’ailleurs une chose que j’ai assez peu vue dans les différents tests que j’ai pu lire. Peut être faudrait-il faire un site qui s’intéresse un peu plus en profondeur à ces questions. Genre celui sur lequel vous êtes.