Il y a quelques temps, j’évoquais cette frilosité qu’ont certains gros éditeurs à se lancer dans le développement de titres procéduraux. Pour les indépendants, c’est un choix intéressant qui permet d’augmenter la durée de vie d’un jeu. Si on cite souvent Minecraft en exemple, ici Digixart a utilisé cette idée dans la narration de Road 96.
Raconte-moi une histoire
Si le jeu en lui-même a déjà été testé de long en large un peu partout sur les sites spécialisés, ce qui m’intéresse ici c’est l’exploitation du procédural non pas pour l’environnement mais pour générer de « nouvelles histoires » à chaque partie. Même si au bout de quelques runs on commence à venir voir les ficelles, le concept reste très intéressant et a peut être ouvert la voie à une idée qui ne demanderait qu’à être mieux exploitée. Road 96 est un bon jeu si vous aimez le genre narratif. Sa force réside essentiellement dans cette rejouabilité possible grâce au procédural. A chaque partie, il vous arrivera de nouvelles aventures et l’issue sera toujours différente selon votre manière de jouer et votre capacité à résoudre les énigmes. Toutefois, en toile de fond il y a un fil rouge et une enquête autour d’un meurtre.
Ici, le procédural permet de découvrir l’histoire de manière originale et chaque joueur aura une expérience différente. Bien qu’en réalité on est plus ou moins sur de l’aléatoire, les multiples embranchements font illusion et on se surprend à relancer une partie pour en découvrir un peu plus. On est sur un titre indépendant et il est évident qu’ils ont fait avec leurs moyens mais le concept reste particulièrement pertinent et on se demande s’il ne demanderait pas à être plus exploité. Typiquement, dans un triple A, on nous propose souvent des quêtes « FedEx », rarement intéressantes. Si le procédural pourrait bien apporter quelque chose, c’est bien au niveau des enjeux de ces fameuses quêtes de remplissage. Du contenu supplémentaire produit manuellement et qui demande du temps de développement en plus.
Bien entendu, mettre en place un tel système demande des moyens. Toutefois le gain de temps possible avec une telle technologie pourrait affecter les coûts de production. D’autant plus que certaines « routines » pourraient tout à fait être réutilisées dans plusieurs titres. Avec l’évolution des intelligences artificielles et la puissance de calcul des nouvelles cartes graphiques et leurs chips dédiés à ce genre de tâches, on peut facilement imaginer la mise en place de tels choses en jeu.
De la génération du monde de Minecraft au scénario
Une chose est certaine, le procédural est une technologie très utilisée pour générer des mondes aléatoirement. Bien entendu, on pense immédiatement à Minecraft mais des titres comme No Man’s Sky ou Stardew Valley ont également choisi cette solution afin d’immerger le joueur dans un univers « infini ». C’est quelque chose que l’on sait faire pourtant des expériences comme celle de Road 96 restent assez rares. Pourtant l’intérêt d’un jeu, c’est d’être (re)joué. Ici, Digixart explore cette idée assez brillamment. Si les choix du joueurs ont une influence sur l’histoire, il ne sait jamais quel sera la suite de l’aventure ce qui pousse bien évidemment à relancer une nouvelle partie.
L’implémentation d’un tel système au niveau de la narration reste complexe mais si plus de jeux commençaient à exploiter cette idée, les joueurs auraient alors tous une histoire unique. L’intelligence se concentrant sur la manière dont les différents chapitres peuvent s’imbriquer. Selon moi, Road 96, sous ses airs de jeu indépendant à petit budget, offre réellement quelque chose de nouveau et que l’on aimerait voir plus souvent. C’est la force de ce média qui n’est pas obligé de nous enfermer dans une trame narrative « à couloir ». Comme je l’évoquais plus haut, on est sur une approche assez nouvelle de la narration et on espère que cela donnera des idées aux autres studios.
En tout cas, tous les éléments sont maintenant réunis pour proposer ce genre de choses. Que ce soit la puissance de calcul des machines et le développement des intelligences artificielles. Reste à savoir comment tout cela pourrait devenir facile à intégrer à un jeu. La scène open source a peut être son mot à dire sur ce genre de choses. Proposer un outil capable de générer de nouveaux scénarios reste une idée particulièrement séduisante. S’il existe déjà des IA capable d’écrire des histoires, on se demande si tout cela ne pourrait pas faire partie d’un titre narratif.
Evidemment, il reste de gros progrès à faire sur toutes ces questions mais rien que pour ce côté « expérimental », Road 96 est très intéressant et offre une vision de ce que pourrait proposer le média jeu vidéo dans le futur.