Gamekult : que reste-t-il de la presse jeu vidéo ?

Détenu par Unify, une branche web de TF1, le site Gamekult a récemment été acquis par Reworld. Une société média spécialisée dans les sites très orientés SEO. Une approche de la presse qui ne plait clairement pas aux journalistes de métier. On avait déjà eu un cas similaire avec Science et Vie qui avait été également racheté par cette même société et qui avait fait fuir toute la rédaction. L’histoire se répète.

Gamekult

C’était quoi Gamekult ?

Si vous aimez le jeu vidéo, vous connaissez très probablement ce site, au moins de nom. La particularité de cet OVNI médiatique c’est qu’il était financé par les Internautes au travers d’un abonnement. Un modèle plutôt classique qui existait déjà lorsque la presse papier était la norme. Un exploit quand on sait que le web a apporté beaucoup d’informations gratuitement.

Ce qu’offrait ce modèle économique, c’est que ce média avait la particularité d’être indépendant. Pas besoin de cirer les pompes des annonceurs publicitaires ou des éditeurs pour survivre. Ici, les journalistes avaient une liberté de ton que l’on ne retrouvait presque nulle part ailleurs. Avec le départ de la rédaction historique de Gamekult, la presse JV a clairement perdu des points de vie.

On passera aussi sur la manière dont Reworld a évincé tous les salariés du jour au lendemain en jouant la carte du « dispense d’activité ». Une pratique tout à fait légale mais qui a le mérite de montrer le vrai visage de la société qui a effectué ce rachat. L’idée, c’est de virer les journalistes et d’embaucher des pigistes qui produiront des contenus qui incitent au clic. Ces derniers ne sont pas à mettre en cause, il faut bien gagner sa vie et ils font ce qu’on leur demande.

Reworld détruit tout sur son passage

Reworld a, ces dernières années, effectué de nombreux rachats et chaque fois c’est la même chose. On vide la rédaction des journalistes qui ont encore de l’éthique et on publie des actualités de flux qui n’ont que pour objectif de se positionner dans les moteurs de recherche, générer des clics et des réactions sur les réseaux sociaux. Finalement c’est ce que les médias ont de pire à offrir.

Le problème ici, c’est le modèle publicitaire qui fonctionne au nombre de vues. Et pour ça, toutes les techniques sont bonnes. Entre les titres « putaclic » et les sujets qui vont forcément diviser les gens, cette presse est très robotique et ne laisse qu’assez peu de place à la neutralité. En effet, il faut aller dans le sens des annonceurs et, dans notre cas, celui des éditeurs qui seront certains de trouver une voix complaisante pour parler de leurs jeux.

Difficile de mettre une mauvaise note à un « Call Of » quand Activision/Blizzard fait partie de vos principaux annonceurs, par exemple. Très clairement, on ne pourra plus faire confiance à Gamekult à l’avenir. C’est typiquement le genre de choses que l’on peut retrouver sur JeuxVideo.com qui fonctionne également sur ce modèle publicitaire. Encore une fois, cela n’enlève rien au professionnalisme des rédacteurs mais il reste difficile d’être parfaitement objectif dans un tel environnement.

Concrètement, ces sites existent pour faire du volume et vendre des choses aux Internautes. Cela fonctionne très bien, d’autant plus que la plupart des lecteurs ne sont pas forcément très au fait du journalisme et des pratiques du secteur.

Vers un web dystopique ?

Cela fait un moment que le modèle gratuit a montré ses limites. La publicité en ligne étant très bon marché, il faut réaliser de très forts volumes pour espérer survivre. Pour cela, ce sont les techniques évoquées plus haut qui sont mises en place sur de nombreux sites. Il n’y a plus de place pour l’investigation, la neutralité et même l’éthique. Et il n’y a pas que Reworld qui fonctionne ainsi malheureusement.

Si on a mal à notre presse JV, on pense aussi aux médias d’informations qui, de plus en plus, on tendance à se diriger vers ces pratiques nauséabondes. On l’a récemment vu avec l’affaire TPMP, une émission partisane mais qui refuse de l’admettre. Parce qu’il faut bien faire la distinction entre un média d’opinion et un média qui se veut d’information.

La vraie question que pose l’affaire Gamekult, c’est : est-ce que l’on a réellement envie d’un tel web ? La réponse est bien évidemment non mais c’est clairement le chemin que sont en train de suivre de nombreux médias en ligne. Et ça, ça fait peur.

Que reste-t-il de la presse jeu vidéo ?

Concrètement, aujourd’hui il ne reste plus beaucoup de médias indépendants qui traitent du jeu vidéo. On pourra toutefois citer Canard PC qui, lui aussi, a un modèle payant et propose d’excellents articles de très bonne facture. On trouve aussi JV Le Mag mais qui est uniquement disponible en version papier. Du côté du jeu indépendant, on pourra se tourner vers IndieMag qui ne fait pas vraiment dans la critique mais qui se contente de présenter des jeux sans trop de jugement. C’est une approche intéressante, selon moi.

Du côté de chez Libération, on trouve une très bonne rubrique dédiée aux jeux vidéo avec, parfois, des articles de fond et des enquêtes très intéressantes. À noter également le podcast « Silence, on joue » animé par Erwan Cario. Dans l’ensemble, c’est une très bonne source d’informations.

On peut aussi évoquer, Gautoz qui a quitté la rédaction de Gamekult, il y a quelques années de ça, pour se concentrer sur son activité de streameur sur Twitch. Il y fait aussi un excellent travail et fonctionne grâce à un financement participatif. Une chose qui lui permet ce ton journalistique et neutre.

De manière plus générale, on peut se tourner vers certains influenceurs mais il faudra prendre avec des pincettes leurs approches qui pourraient être biaisées car ces créateurs vivent généralement de la sponsorisation. Difficile d’être critique lorsque l’on doit entretenir de bonnes relations avec les éditeurs. Bien entendu, il existe des petits blogs confidentiels ou des médias indépendants qui font du mieux qu’ils peuvent (comme ici).

Le constat est assez triste en réalité. Les derniers résistants se comptent sur les doigts d’une main et il y a de quoi s’inquiéter. On l’a déjà expliqué par le passé mais le meilleur moyen de conserver ces médias libres, c’est de les soutenir financièrement.

Merde !

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