« T’inquiète, le dernier patch a réglé tous les problèmes ». Combien de fois avons-nous entendu cette phrase lorsque nous échangions sur les jeux vidéo ? De nos jours, la plupart des machines sont connectées et profitent généralement des mises à jour qui viennent corriger, au fil du temps, les défauts de certains titres. Comment ne pas citer « No Man’s Sky » qui probablement le meilleur exemple. Un jeu qui est passé de jouable à excellent en quelques années.
La folie du développement
Cette année a signé un profond changement dans l’industrie du jeu vidéo. Les différentes prises de parole des développeurs ont ouvert les yeux au grand public qui n’avait pas forcément conscience des conditions dans lesquelles ils travaillaient. Entre heures supplémentaires non rémunérées, crunch et harcèlement, on ne peut pas dire que l’on pouvait parler de job de rêve. On ne va pas se mentir, quand on parle de titres d’envergures, la tâche à accomplir est assez surhumaine. S’est alors posée la question de la durée de vie des jeux et de tous ces contenus anecdotiques qui sont ajoutés pour faire plaisir à une minorité bruyante. Une problématique qui intervient à un moment où l’on évoque une hausse des prix de vente des jeux.
De nombreuses années sont nécessaires pour développer un triple A. Entre l’écriture, la création des modèles 3D et la mise en place d’un gameplay, les choses ne se font pas du jour au lendemain. Avec des projets aussi vastes, il semble impossible de relever tous les bugs qui pourraient apparaitre de manière très aléatoire. Grâce aux patchs, de nombreux titres profitent alors d’un véritable suivi et il n’est pas rare que ces mises à jour vont même jusqu’à corriger des éléments de gameplay quand il ne s’agit carrément pas de revoir toute l’interface. Finalement entre le jour de la sortie et les mois qui suivent, un jeu peut évoluer du tout au tout. Pour moi, c’est « No Man’s Sky » qui a ouvert la boite de Pandore et a montré l’intérêt de ce « SAV 2.0 ». Si le lancement de ce titre était assez chaotique, il aura réussi à obtenir une récompense aux Game Awards de cette année. On notera aussi que ce jeu se vend encore très bien.
Les jeux encore en développement à leur sortie
Soyons clairs, les investissements financiers engagés pour la sortie d’un triple A sont colossaux. Prévoir une date de sortie est indispensable pour ceux qui mettent de l’argent sur la table de savoir à quel moment ils auront un retour sur investissement. Repousser cette date est un vrai luxe que tous les studios ne peuvent pas se permettre. Il arrive un moment où l’argent doit rentrer dans les caisses. En résulte une pression incommensurable sur les équipes qui doivent travailler comme des dingues pour rendre le projet à temps. Une manière de fonctionner qui entraine évidemment des crunchs inhumains que l’on aimerait voir disparaitre à tout jamais.
Ce qui se passe généralement de nos jours, c’est la sortie du jeu alors que les équipes travaillent encore dessus de manière à proposer un patch le jour du lancement. Un moyen de préparer la distribution tout en continuant à corriger les derniers bugs. Une chose à laquelle nous sommes plus ou moins habitués même si le fait d’acheter un titre en physique impose désormais de télécharger de nombreux Gigas de données pour en profiter pleinement. Avec de la patience, on a régulièrement des versions « GOTY » qui intègrent tous les correctifs par la suite. Ca n’est clairement pas la solution idéale mais c’est ainsi que fonctionne maintenant l’industrie.
Remember : no preorder
Ces dernières années, le phénomène des précommandes s’est grandement amplifié. La force du marketing réussissant à créer des communautés de fans avant même qu’ils n’aient pu mettre la main sur le jeu. On peut tout à fait s’interroger sur cette pratique qui fait forcément des déçus. Le cas de « Cyberpunk 2077 » est en passe de devenir un cas d’école mais le fond du problème vient de la communauté qui a une confiance aveugle envers les éditeurs et leurs promesses qui ne peuvent pas toujours être tenues. Bien que les précommandes proposent parfois des petits bonus souvent dispensables, il semble intéressant de se demander s’il n’est pas plus pertinent d’attendre les premiers tests avant de passer à la caisse. De manière générale, il semble absurde de devenir fan d’une chose dont on ne sait rien.
Concrètement, ces précommandes sont des early access déguisées. Certains titres sortent dans un état assez déplorable et il faut souvent attendre de longues semaines avant qu’un jeu n’obtienne des mises à jour qui corrigent le tir. Et si, justement, les studios proposaient des early access pour leurs triple A ? Mettre à profit la communauté de fans pendant le développement ne serait pas totalement idiot. Beaucoup d’indépendants utilisent cette manière de faire en proposant leurs Betas aux joueurs afin de débusquer la plupart des bugs et de comprendre ce qui fonctionne ou pas dans le gameplay. D’une certaine manière, c’est aussi un bon moyen de livrer un jeu qui plait au plus grand nombre en recueillant les nombreux retours.
L’early access : la réponses à tous les maux ?
En tout cas, quand on voit comment le développement de jeux est devenu de plus en plus lourd en terme de ressources et de financement, l’early access semble répondre à de nombreuses nouvelles problématiques. L’argent commencent à rentrer alors que le jeu est en développement, les tests sont réalisés gratuitement par la communauté et les développeurs peuvent avoir un regard extérieur sur le projet. C’est une méthode très intéressante qui permet aux plus impatient de mettre la main sur leur titre préféré tout en participant à son évolution. Quand on voit dans l’état où sortent de nombreux titres ambitieux, on se dit que ça ne serait pas un mal de fonctionner ainsi.
Il ne faut pas se voiler la face, les précommandes sont une forme de early access. Un jeu day one est rarement parfait et il faut souvent attendre les premiers retours des joueurs pour commencer à publier des patchs. Si tout ce travail était fait en amont pendant le développement, on s’éviterait probablement des mauvaises surprises. C’est d’autant plus intéressant que ce genre de jeux s’inscrive maintenant sur la longueur. Typiquement la vie de « Cyberpunk 2077 » risque de s’étaler sur de longues années si CD Projekt continue d’alimenter en contenu sa nouvelle franchise. D’un point de vue publicité, c’est une stratégie intéressante également puisque les premiers joueurs vont favoriser un certain bouche à oreille le temps que le jeu devienne accessible à tous. De vrais échanges comparé aux promesses marketing qui sont souvent à mille lieux de la réalité du développement.
Une chose est certaine, tout n’est pas rose dans cette industrie, il y a encore trop de crunch et les équipes de développement subissent réellement ces deadline intenables. Selon moi, l’early access permet de contenter une franche de la communauté gaming qui veut avoir accès aux jeux le plus rapidement possible et permet un rythme de production plus tenable. Evidemment, l’argent rentre sur le long terme et non plus d’un coup. Une chose qui ne peut pas forcément plaire aux investisseurs mais quand on voit dans quelles conditions sont réalisé certains jeux, on se dit que cette industrie aurait bien besoin d’être plus Humaine.