Anoushka : De la diversité dans le porno

– Bonjour Anoushka, est-ce que tu peux te présenter à ceux qui ne te connaissent pas ?
– Je suis réalisatrice de films pornos éthiques et féministes. Je ne me suis jamais retrouvée dans le porno mainstream du coup j’ai eu envie de réaliser mes propres films en me référant à mes fantasmes à mes envies avec toujours l’idée de valoriser le plaisir féminin et casser les stéréotypes du genre. Pour moi l’important de te se focaliser sur l’humain afin d’obtenir une réelle sincérité dans l’acte sexuel. Je cherche à amener de la diversité, de la légèreté et à capter du réel. Je ne me focalise pas sur la pénétration ou sur la performance. Pour moi, il est important de pouvoir s’identifier à ce que l’on voit donc la diversité des corps et des relations sexuelles est importante. J’essaye de casser des normes établies dans le secteur que ce soit la relation hétéro normée, les corps refaits, l’épilation et la place de la femme dans le sexe. Le porno est une forme d’art et j’y amène un savoir faire classique afin de mettre en valeur le sexe. Il y a toujours des histoires et une réelle mise en scène, le sexe est là pour sublimer les rapports humains que je créé dans la comédie.

La réalisatrice Anoushka

– Il y a maintenant un peu plus d’un an, le film « Gloria » a été diffusé sur Canal+. Comment le public l’a accueilli ?
« Gloria » a été plutôt bien accueilli, du moins j’ai eu des retours positifs mais j’imagine qu’il y a eu aussi des gens surpris notamment le spectateur C+ qui n’a pas forcément l’habitude de voir autant de diversité. Et c’est en cela que je trouve la démarche de C+ vraiment intéressante car ils proposent du mainstream mais également un porno plus alternatif ce qui permet de voir qu’il y a différentes façons de tourner et surtout d’amener de la diversité dans une offre trop souvent cloisonnée.

– Cette chaîne ne nous a pas trop habitué à diffuser ce genre de porn. C’est une « petite révolution » selon toi ?
– Ils diffusent depuis des années les films d’Ovidie donc révolution pas vraiment. Ovidie s’efforce depuis des années à montrer un autre porno et elle a ouvert la porte à d’autres notamment moi. Pour ce qui est de parler d’une forme de révolution, je pense que c’est plus une adaptation à la société actuelle qui cherche plus de sincérité et de diversité. Nous ne sommes plus dans la même société qu’il y a 20 ans aujourd’hui l’amour pluriel n’est plus si tabou et le consentement est devenu de plus en plus important suite à #MeToo. Du coup proposer un porno alternatif, éthique, diversifié me paraît être un acte sociétal.

– D’ailleurs, en janvier prochain, elle va en diffuser un autre, tu peux nous en parler ?
– Je viens de finir mon second long métrage qui sera diffusé au cours du premier trimestre 2019 et j’y ai mis toute mon énergie et tout mon cœur dans ce projet. Le film est un thriller amoureux sur fond de road movie dans lequel passé et présent s’entremêlent, laissant entrevoir un gouffre entre frivolité et amertume.

L’histoire dépeint l’agonie du couple monogame qui n’arrive à se renouveler que par le biais d’une tierce personne. L’amour à trois comme seul moyen de survie. Eva et Théo sont en couple depuis plusieurs années, ils se connaissent par cœur et forment aux yeux de leur entourage le couple parfait. Eva travaille dans une galerie d’art et Théo est un écrivain qui se bat contre la médiocrité sans trouver l’inspiration pour son nouveau roman depuis plusieurs mois. Au cours d’une soirée, ils vont rencontrer Pénélope qui deviendra leur muse. A son contact, ils vont s’épanouir et prendre leur envol. S’envoler, c’est justement ce qu’ils font en prenant la route plein Sud, qu’importe la destination, c’est le déplacement qui compte. La route va leur permettre de fuir la norme et d’ouvrir leurs horizons grâce à différentes rencontres. Pour Théo c’est l’occasion de fuir sa médiocrité et pour Pénélope le moyen d’expérimenter la vie, le sexe, la drogue et l’amour. Quant à Eva, elle se nourrira de la lumière de Pénélope en pulvérisant tous les interdits jusqu’au drame.

« C’est important de créer une complicité hors caméra. »

Ce film est avant tout une ode à l’amour pluriel. Le casting est ouf, pas moins de 14 acteurs actrices et on a tourné en deux temps un passage à Paris et l’autre à la montagne. Presque 10 jours de tournage ce qui est assez rare avec nos budgets… Autant dire que c’était un vrai challenge ! Moi même je ne suis pas payée sur ce film car je préférais mettre le budget au service intégral du film et j’espère que le résultat plaira ! J’ai fait le film que je voulais, compliqué mais très intéressant ! Les scènes sont justes hallucinantes de sincérité ! Il y a une vraie énergie, une alchimie de dingue et ça c’est super excitant ! J’ai hâte de pouvoir le montrer !

– Qu’est-ce qui différencie tes films des autres productions plus mainstream ?
– Ce qui différencie mes films des productions plus mainstream est sans doute la sincérité dans l’acte sexuel. Je ne séquence pas les scènes de sexe, il n’y a pas de « on filme telle position puis celle ci et on finit comme ça », là les acteurs et actrices font ce qu’ils ont envie et c’est nous qui allons chercher ce qu’on veut en terme de plan. Cette façon de filmer permet de lâcher prise, de se laisser aller au plaisir. On prend énormément de temps aussi avant le tournage, on se rencontre, on discute du film, des scènes et surtout on évoque les do et les don’t avant chaque tournage. Tous les acteurs discutent entre eux également c’est important de créer une complicité hors caméra. Puis on mange tous ensemble, on discute de plein de choses différentes bref c’est une expérience humaine avant tout. Ce n’est pas juste un job, il faut s’investir personnellement si on veut de la sincérité.

La mise en scène est aussi très importante, l’esthétique et le soins des détails. Le cadre aussi est complètement différent du mainstream, je ne me focalise pas sur la pénétration mais plus sur l’émotion, sur le ressenti durant l’acte et cela se capte dans les expressions du visage, des mains qui se crispent. Tout ce qui est sensuel, érotique est pour moi bien plus excitant qu’une pénétration. Bien entendu, le scénario est aussi quelque chose de très important pour moi. Je créé une histoire pour mes personnages, un background et je développe une profondeur. Ils ne sont pas là juste pour baiser. Le sexe est là pour sublimer les rapports humains.

J’aime aussi mixer les genres, je prends des acteurs de la scène alternative mais aussi mainstream car je trouve qu’il en ressort quelque chose de vraiment intéressant.

– A l’heure des sites de streaming, tu as fais le choix de l’indépendance en vendant tes films directement sur ton site. C’est important pour toi ?
– Oui l’indépendance est importante pour moi. Je fais le porno qui me plait, le porno qui m’excite et le porno qui correspond à mes valeurs. Je ne souhaite pas qu’on m’impose des choses qui vont à l’encontre de ce que je pense. Et ce qui est vraiment cool avec C+, c’est qu’ils n’imposent rien, ils ne cherchent pas à me changer ou à me mettre dans une case. Dans mon film, « Blow Away » (le film en cours pour C+), j’évoque la transsexualité, le mouvement queer avec un acteur transgenre. Pour moi, c’était très important d’évoquer ces questions et d’ouvrir les esprits. On parle de travail du sexe également, sans tabou.

– Il y a quelques trailers de tes films sur PornHub. Tu intègres ces plateformes dans ta promotion ?
– Il est important de montrer sur ce plateformes qu’il existe du porno éthique, féministes ailleurs. Au lieu de cracher sur le mainstream, je préfère dire voilà il y ça mais aussi cela. Encore une fois c’est dans le but de mettre en avant qu’il existe des alternatives ailleurs.

– Est-ce que tu regardes un peu ce qui se passe sur ces sites ? Il y a des choses que tu trouves intéressantes ?
– J’avoue que non, je ne regarde plus du tout.

– La question que je pose désormais à  tout le monde : tu as un budget illimité, à quoi ressemblerait ton film ?
– Ce serait toujours un film d’auteur en fait mais avec une plus grosse équipe et beaucoup plus de temps. Tourner 10 minutes par jour avec un assistant réal, une scripte, plusieurs cadreurs, des machinos, un super éclairage, des vrais travelling, des voitures adaptés pour y tourner et peut être que je pourrais bloquer une route et éradiquer les bruits parasites quand on tourne en extérieur ou dans un bar ce qui rendrait mon ingé plus qu’heureux ! Ha ! Ha ! Bref tout l’équipement d’un film traditionnel mais pour ce qui est de l’histoire, je ne changerai rien, je resterai sur un film intimiste.

– J’ai l’impression qu’il y a un véritable engouement pour le porno fait par les femmes, tu partages ce sentiment ?
– Je l’espère ! J’ai le sentiment qu’on a de plus en plus besoin de voir autre chose, quelque chose qui nous ressemble plus et le porno éthique et féministe permet de plus facilement s’identifier car il se focalise sur le réel. Et la réalité aujourd’hui c’est qu’on n’est plus dans des rapports normés et genrés !

– Les femmes sont de plus en plus nombreuses à consommer de la pornographie. Est-on en train de vivre une nouvelle révolution sexuelle ?
– Je pense surtout que ce qui est différent c’est que la parole se libère et que regarder du porno (pour une femme) n’est plus tabou idem pour la masturbation mais le chemin est encore long pour casser des années de stéréotypes.

– Tu as d’autres projets sur le feu ? Des choses que tu aimerais tenter ?
– Pour le moment mon seul projet est de finir la post-prod de mon long métrage et j’ai terriblement hâte de le montrer au public ! Ensuite, je vais reprendre la prod pour mon site et là, oui, il y a plein d’idées qui se bousculent dans ma tête mais une chose après l’autre !

– Merci Anoushka, à bientôt.

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